Repenser les cimetières

Face à l’émergence d’une conscience écologique commune et à l’évolution plutôt notable des rites et rituels funéraires, le paysage typique des cimetières tel que nous le connaissons est voué à disparaître. S’ils restent aujourd’hui des lieux chargés en émotions, des témoins de l’histoire, et des espaces de recueillement pour toutes les familles venant expier leurs peines, leurs allées ne brassent plus autant de flux qu’avant – si ce n’est le jour de la Toussaint – et on leur reproche un peu trop souvent un décor encore trop minéralisé.  Repenser les cimetières s’impose donc aujourd’hui comme une évidence, et en ce sens, chaque jour des progrès sont faits.

Des transformations motivées par la démocratisation de la crémation

Les différentes réformes funéraires, principalement édictées en réaction au nombre croissant de crémations, incitent les cimetières quels qu’ils soient à se doter de nouveaux espaces. Désormais, à la pelouse de dispersion et au columbarium, s’ajoutent des parcelles réservées aux cavurnes ou à l’inhumation en pleine terre des urnes. Indépendamment des aménagements et de la logistique que de tels changements imposent, les gestionnaires de sites doivent aussi prioriser le développement de nouvelles aires végétales pour répondre à la nécessité d’embellir à nouveau les cimetières, tout en préservant la biodiversité. 

Dans cette optique, un peu partout en Belgique, les cimetières communaux verdissent les allées, replantent des arbres, des arbustes et des massifs floraux en encourageant la préservation du patrimoine naturel. Les bancs publics et les différentes infrastructures hors d’âge sont progressivement troqués pour une décoration mettant à l’honneur des matériaux bruts et respectueux de l’environnement. Mais, redonner à la nature une place centrale dans un cimetière n’est pas sans conséquence. Toutes ces nouvelles aires doivent être entretenues.  En juin 2019, le Programme wallon de réduction des pesticides a été adopté, poussant les cimetières à revoir leur gestion des végétaux, une démarche loin d’être évidente.

De la difficulté de végétaliser des cimetières vieillissants

En pratique, bon nombre de cimetières avaient déjà pris des dispositions pour réduire l’utilisation de pesticides dans le traitement des végétaux. Ainsi, en 2018 le label « nature » récompensait pas moins de 160 cimetières wallons. Cependant, si une gestion plus écologique demande des moyens techniques, en pratique certaines initiatives sont rendues ardues par une intendance antérieure chaotique. Si les allées construites aujourd’hui sont définies dans une logique cartésienne, un bon nombre de cimetières communaux ont été bâtis à une époque où le traitement des végétaux n’était pas une priorité.

Ainsi, certains espaces funéraires sont confrontés à un problème de taille : gérer des parcelles où différents types de concessions se côtoient, parfois en dehors de tout tracé géométrique, sans oublier celles laissées à l’abandon depuis des années et qu’il faut penser à reprendre. Mais comment envisager de repenser un cimetière sans auparavant poser des bases saines et propices au changement ? Même les cimetières plus récents se heurtent à des difficultés. Des distances trop restreintes entre les sépultures en pleine terre compliquent l’entretien des parcelles et tant la forme que les dispositions des monuments funéraires sont peu propices à l’utilisation de techniques naturelles.

Les cimetières : des musées à ciel ouvert

Si la végétation des cimetières est aujourd’hui une démarche appréciable, dynamiser, repenser et insuffler un souffle nouveau requiert bien plus que le réaménagement ou la création de nouveaux espaces.  Qu’il s’agisse de préserver le patrimoine funéraire et les mausolées d’exception qui ont en eux un peu de l’histoire de la Belgique, d’inviter des visiteurs, des promeneurs ou simplement des curieux à animer des lieux jadis réservés au repos des morts, toute initiative est la bienvenue.

Aujourd’hui, certaines associations organisent des visites guidées qui ne se limitent plus au tourisme autour des tombes des personnalités. Elles proposent plutôt d’observer la symbolique funéraire propre à chaque confession, mais aussi de découvrir les vestiges de l’art funéraire de nos ancêtres. À Molenbeek-Saint-Jean, haut lieu de tourisme funéraire, le cimetière accueille en son enceinte une galerie funéraire où les cercueils sont inhumés dans des enfeus, une pratique fascinante, désormais désuète, mais finalement assez proche des nouvelles sépultures pour cendres.  

Quand les cimetières se muent en espaces culturels

Plus que l’organisation de circuits guidés par des passionnés, les cimetières se muent aussi en espaces culturels, tant pour repeupler ces lieux de vivants que pour profiter de ces grandes étendues végétalisées qui offrent un cadre idyllique pour l’art contemporain. Et certaines communes sont très investies dans l’organisation de ce type d’événements. 

Ainsi, chaque année, à Tournai, dans le cadre de l’opération L’art dans la ville, les cimetières ont aussi le droit à leur heure de gloire. En 2015, quelques dizaines d’artistes ont pu redonner un peu de vie aux sépultures abandonnées à travers des installations temporaires ou simplement des actions symboliques mettant en lumière des tombes sur lesquelles personne ne vient plus se recueillir. 

En 2021, la ville a même offert aux passants la possibilité d’admirer au détour d’une promenade quelques girouettes-sculptures. Ce genre d’initiative se réplique dans l’ensemble de la Wallonie, le cimetière de Grand-Marchin ayant lui aussi récemment lancé son premier projet culturel mortuaire. 

Catégorie
Obsèques
Publié le
6 août 2021